

RJ. Sur la virilité, sur le fait d’avoir un enfant, le personnage a un sentiment d’incomplétude, comme si quelque chose ne marchait pas, comme s’il avait une tare.
RJ. Le problème de ce personnage, c’est qu’il n’a jamais fait le choix de quelque chose. Il a le sentiment d’être heureux dans cette famille, dans sa vie, il aime sa femme, il veut un enfant avec elle… Mais il ne s’est jamais posé la question de savoir s’il a réellement envie de ça. Tout son entourage contribue à son enfermement, il suit le rail familial de la scierie ; sa femme également est obsédante sur la question de la filiation sans se rendre compte que son couple a sans doute été abîmé par toutes les tentatives de PMA et qu’ils devraient peut-être partir de cet endroit. Mais en rachetant les parts de l’entreprise, elle l’enferme un peu plus dans ce milieu. En rencontrant Patricia, il a la possibilité d’une autre vie, et la possibilité de faire un choix. Or, il est incapable de choix parce qu’il ne sait pas. Et du coup, il perd complètement pied. Sans doute aussi parce qu’il ne veut pas faire souffrir les gens.

JL. Noémie souffre en plus physiquement de leurs différentes tentatives. Le parcours en PMA a fragilisé leur couple, la sexualité est bousculée, elle devient mécanique… Ça flingue beaucoup de couples. Ils s’aiment tous les deux profondément, elle sent qu’il faut laisser tomber parce que cela commence à les abîmer ; c’est pourquoi elle passe à l’étape suivante. Lui, à l’instar de son père, se raccroche au biologique, mais il comprend que c’est peut-être la seule solution. Il pense d’ailleurs que la stérilité peut venir de lui. J’aime beaucoup le couple que l’on forme avec Mélanie (Doutey) parce qu’il y a vraiment beaucoup d’amour. Le fait que l’on se connaisse depuis longtemps et que l’on soit copains dans la vie nous a beaucoup aidés à jouer très simplement ces gens simples qui ressemblent à beaucoup de gens, qui se bagarrent pour sauver leur boîte, qui se bagarrent pour avoir un enfant, qui essaient de faire au mieux avec la famille. Ces scènes rythment très bien le film ; ce sont des scènes difficiles parce qu’elles sont justement très quotidiennes, alors que les autres étaient plus fantasmagoriques ou cinématographiques, mais en fait elles structurent le récit et donnent beaucoup de corps à nos personnages.
RJ. Et c’est vrai que cette complicité entre Jalil et Mélanie ‒ en plus, ils ont déjà joué un couple au cinéma ‒ a apporté beaucoup au couple François/Noémie. Noémie était un personnage très compliqué à interpréter, qui passe par plusieurs états. On l’aime, mais elle peut aussi s’assombrir. C’est un personnage très solide et il fallait quelqu’un de fort pour l’incarner. Mélanie Doutey est une comédienne extraordinaire, elle a une palette de jeu très large. Et elle a un jeu très droit, très précis.
JL. En même temps, elle est très instinctive. Elle a beaucoup de métier, elle a fait le Conservatoire, elle a un vrai parcours d’actrice, elle a fait du théâtre également. J’étais très heureux qu’elle ait cette partition.
RJ. Elle a à la fois une grande spontanéité de jeu et une très grande technique.


RJ. C’était la première fois que je me confrontais à la représentation de la sexualité, mais c’était important pour le film. François est un bon gars qui a connu Noémie jeune, qui n’a jamais pensé qu’il pouvait rencontrer une autre femme. Cela lui tombe dessus. Avec Patricia, il y a un embrasement des sens qui le submerge. Il fallait que le spectateur le ressente, mais c’est vrai que ce n’est pas facile à faire. J’étais aussi intimidé que les acteurs. Il faut le préparer de façon technique pour dédramatiser et faire sauter les verrous.
JL. De façon chorégraphique aussi. Ce qui est important dans les scènes d’amour, au-delà de la pudeur, c’est d’utiliser son corps pour raconter une émotion. Il n’y a rien de pire pour des comédiens qu’un réalisateur qui dit : « Allez-y. » Allez-y où ? C’est quoi la scène ? Qu’est-ce qu’elle raconte ? À partir du moment où les choses sont très claires pour les deux comédiens, pour le réalisateur et l’équipe même, il y a quelque chose de finalement très peu sexy. Cela devient une scène comme une autre.
Les trois scènes de sexe sont très différentes : la première était très simple parce que Louise a tout dédramatisé et qu’on a beaucoup ri, enfermés dans cette voiture. La scène la plus dure pour moi a été celle de la forêt parce qu’on était tout seuls dans l’herbe, en pente, avec toute l’équipe, elle durait longtemps et je devais faire attention au ventre de Louise ; et puis on était entièrement nus et je n’étais pas à l’aise. Quant à celle avec Mélanie, on est dans la violence et la tragédie.
RJ. La scène entre Noémie et François était très importante pour moi ‒ la lutte entre eros et thanatos qui parcourt tout le film ‒, mais elle a été très difficile à tourner. Les acteurs se sont énormément engagés. Pour Mélanie, ce n’était pas simple de jouer ça et son engagement a été d’une grande force. Du coup, ça doit se faire avec beaucoup de confiance.
