Esperluette | Sophie Loria

Le Collier rouge

Sophie Verbeeck

Elle est Valentine, jeune femme libre et de caractère dans le nouveau film de Jean Becker, Le Collier rouge. J’avais été littéralement impressionnée par sa voix et sa présence à l’écran. La façon d’être et de penser de Sophie Verbeeck m’a tout autant charmée. Rencontre avec une actrice très prometteuse.

Comment s’est passée votre rencontre avec Jean Becker ?

Ce que j’ai beaucoup aimé dans notre rencontre, c’est que cela ne s’est pas fait comme cela se fait habituellement aujourd’hui, où vous multipliez les essais. Jean Becker m’a contactée, il m’a dit qu’il avait vu mon travail dans A trois on y va et a proposé que l’on se rencontre. On a beaucoup parlé du personnage et, à la fin du rendez-vous, il m’a demandé si le personnage de Valentine m’intéressait. Le lendemain, il m’a rappelée en me disant : « J’ai beaucoup aimé cette rencontre. Si vous voulez, le rôle est pour vous. » Il ne m’a pas mise à l’épreuve, il m’a au contraire demandé de lui faire confiance. Je trouve sa démarche vraiment très élégante, à une époque où l’on demande maintenant aux acteurs de se filmer eux-mêmes et d’envoyer leur self tape au réalisateur.

Que représente pour vous le cinéaste Jean Becker ?

Quand j’étais jeune, j’avais été impressionnée par la sensualité et la sauvagerie de L’Eté meurtrier. Plus tard, j’ai vu Elisa avec Vanessa Paradis, Deux jours à tuer avec Albert Dupontel… C’est un cinéma avec une grande intelligence des rapports humains, des histoires qui rapprochent des êtres pas forcément voués à se croiser, et en même temps très populaire et généreux. Son cinéma est à la confluence de ces deux espaces.

Nicolas Duvauchelle dit de lui que c’est un metteur en scène à l’ancienne.

C’est tout à fait vrai. Jean Becker sur un plateau, c’est génial ! Il est hanté par son sujet, le cinéma est quelque chose de très sérieux pour lui, et à la fois, il y a un vrai aspect ludique dans son travail ‒ et c’est un garde-fou pour les acteurs, je pense. Il construit ses personnages à travers leurs gestes, leurs attitudes…Il est le premier sur le plateau, il répète le geste avec vous et il aime le faire parce qu’il aime jouer, il regarde les scènes comme un enfant, il part dans des fous rires incroyables… Il allie sérieux et amusement.

Qu’est-ce qui vous a donné envie d’interpréter Valentine ?

Le personnage m’a beaucoup plu. Je trouve que dans le cinéma, les personnages féminins sont souvent des faire-valoir et c’est rare de tomber sur des personnages actifs, c’est-à-dire qui prennent en charge un déplacement. Jean me l’a présentée comme une femme obstinée, un caractère. Elle sait exactement ce qu’elle veut. Quand elle voit Morlac [interprété par Nicolas Duvauchelle] la première fois, elle a décidé qu’elle serait avec lui.

Elle l’éduque à l’amour, mais aussi à la littérature et développe son esprit critique.

Ce qui est beau dans ce film, c’est qu’on pense avoir affaire à un adulte qui, par conscience politique, décide d’entamer les rouages de la société, mais finalement, on se rend compte que Morlac est un gamin qui n’a pas encore vécu, et qui a bifurqué vers un discours politique parce qu’il n’a pas osé poser une question à son amoureuse. Je trouve cet éveil très touchant.

C’était impressionnant de jouer l’amoureuse de Nicolas Duvauchelle ?

On a deux caractères assez sauvages, on s’est donc approchés comme deux animaux. Cela a été une rencontre pudique et j’ai beaucoup aimé travailler avec lui. C’était à l’image de nos personnages. Je pense que Jean Becker a cette intelligence et cette intuition de trouver des similitudes entre les personnages et leurs interprètes. C’est beau qu’un réalisateur prenne le risque de son intuition. Aujourd’hui, les réalisateurs vous revoient plusieurs fois avant de se décider. Cela pose la question du choix. On dit qu’un réalisateur choisit un acteur, comme si l’acteur était dans une position passive. Je pense qu’un acteur choisit aussi un réalisateur. Si un réalisateur me fait passer des essais trois fois et que je ne sens pas qu’il est prêt à risquer quelque chose avec moi, alors je n’aurai pas de désir de travailler avec lui. C’est la prise de risque qui me plaît dans ce métier.